L’article ci-joint¹ nous interpelle : comment établir des peines à la suite de manquements à l’éthique?
Tout d’abord, qu’est-ce que l’éthique? À quoi fait-on référence lorsque l’on parle d’éthique, de comportement éthique, ou contraire à l’éthique?
Qu’est-ce que l’éthique?
Le mot «éthique» génère à la fois intérêt et confusion. Sans vouloir remonter aux grands philosophes, disons simplement que l’éthique est requise lorsque les normes, les devoirs et obligations déontologiques sont silencieux face à un comportement à adopter. L’éthique aide à prendre les meilleures décisions selon le contexte et les valeurs en jeu tout en tenant compte des conséquences découlant du choix d’action.
Dit autrement, l’éthique bouche les trous. Les trous dans nos lois et nos règlements, dans nos diverses normes. Lorsque nous sommes confrontés à une situation nouvelle, non encadrée juridiquement, c’est la réflexion éthique qui dicte le chemin à prendre. L’éthique favorise le jugement personnel, la réflexion et la responsabilisation. Cette capacité à penser de manière éthique se développe, se pratique. Certains codes de conduites à «visée éthique» y encouragent même les employés.
Voilà, nous avons très (trop) succinctement défini l’éthique. Revenons à la question posée à savoir le motif du présent texte :
Comment établir des peines à la sui te d’un manquement à l’éthique?
Comprenons-nous que ce manquement découle de la réflexion avant d’agir, avant de choisir quel comportement adopté dans une situation nouvelle, puisque nulle par t cel a n’est prévu dans les règlements?
Nous ne parlons donc pas de manquements déontologiques. Nuance importante.
Ainsi, établir des sanctions à «visée éthique» s’avère une activité à la recherche du juste. Notre réponse à cette question découle et s’inspire des codes d’éthique, des codes de conduite favorisant la réflexion et le jugement personnel.
Code de conduite réflexif à visée éthique
Nombreux codes de conduites actuels adoptent une approche réflexive à « visée éthique ». Bien sûr, un grand nombre de devoirs et obligations y sont indiqués, mais la portion éthique du code sollicite la responsabilisation volontaire de l’employé. Les valeurs organisationnelles définies guident l’employé dans ses réflexions avant d’agir lorsqu’une situation non usuelle survient, lorsque les attentes comportementales ne sont pas indiquées ni prévues au code.
Souvent soutenu d’exemples concrets quant aux réflexions requises lors de telles situations, un code de conduite réflexif outille le personnel pour qu’il soit par lui-même en mesure de prendre les bonnes décisions comportementales. Celles qui maintiennent la confiance des parties prenantes envers l’organisation.
Mais lorsque le comportement choisi en situation nouvelle ne respecte pas les valeurs de l’organisation, ne répond pas aux attentes, n’a pas été réfléchi ou très peu, ou pire, nuit à la confiance envers l’organisation, comment sanctionner adéquatement? Une sanction peut-elle être éthique?
Contextualiser le comportement
Connaître et comprendre l’ensemble des éléments composant la situation est essentiel. Permettre à l’employé d’expliquer sa lecture du contexte, la profondeur de son analyse personnelle, les assises de son choix d’action, sa compréhension des conséquences de son comportement et autres éléments pertinents ouvre la discussion sur une multitude de données allant au-delà du geste posé. Une éthique organisationnelle vivante et rigoureuse permet de contextualiser son choix d’action avant d’être jugé. Il est concevable, qu’après avoir pris conscience de l’ensemble des éléments, que l’acte considéré déviant le demeure, mais il peut aussi prendre une tout autre couleur.
Par exemple, le code d’éthique des fonctionnaires interdit la réception de cadeaux. Cependant, un professeur qui accepte un cadeau de la part d’un élève à la fin de l’année primaire ne génère pas de craintes de corruption.
Lorsque nous contextualisons l’acte considéré à première vue déviant, beaucoup de questions se posent. Est-ce que :
– Les attentes réflexives et comportementales dans le code de conduite sont claires?
– Les explications des valeurs phares sont adéquates?
– La réflexion de l’employé, placé en situation particulière, nouvelle, était rigoureuse?
– La réflexion de l’employé, placé en situation particulière, nouvelle, était rigoureuse?
– Une formation est requise pour clarifier la nécessité de réfléchir avant d’agir?
– La récidive est-elle possible ?
– La récidive est-elle possible ?
Mais si le comportement choisi est vraiment mauvais, comment le sanctionner de manière éthique?
Bonne foi
Toute visée éthique régulant des comportements implique que des erreurs d’appréciation de la situation surviendront. Des erreurs d’interprétation ou de compréhension des attentes comportementales, non spécifiques à la situation, sont également à prévoir.
Les erreurs de bonne foi de l’employé, éclairant sa réflexion avant d’agir, doivent être prises en compte lorsqu’une sanction est requise. Pour le dire autrement, lorsqu’un tel comportement ne doit pas être répété.
Une erreur de bonne foi pourrait être sanctionnée légèrement. Possiblement pas du tout même, mais uniquement à certaines conditions de transparence. Nous y reviendrons.
Enfin, lorsque le comportement déviant l’est vraiment, il importe que la sanction soit proportionnelle au tort causé et en fonction de l’exemplarité recherchée.
Mécanisme d’application indépendant
La personne responsable de traiter les dénonciations doit être indépendante de tout lien avec le dénonciateur, l’employé visé, le secteur impliqué, le gestionnaire de l’unité, voire l’unité au grand complet.
Ces personnes rendent compte à la haute direction de manière anonymisée, en l’informant :
– Du nombre de comportements déviants, par catégories; et
– Des actions prises (sanctions, formations diffusées, améliorations apportées au code de conduite, transmission d’informations diverses, etc.).
– Des actions prises (sanctions, formations diffusées, améliorations apportées au code de conduite, transmission d’informations diverses, etc.).
Toute situation d’apparence de conflit d’intérêts, entre le décideur et l’employé visé, ne doit jamais survenir. La crédibilité et l’adhésion à la « visée éthique » du code sont à protéger.
Gradation des sanctions
Principe de gros bon sens provenant du droit du travail et du droit disciplinaire, la gradation des sanctions offre une solution proportionnelle à la « faute ».
Selon les organisations, ce choix peut être très vaste. En voici quelques-uns :
– Recommandation préventive, visant à améliorer la compréhension du code de conduite;
– Avis verbal;
– Avis écrit;
– Blâme verbal (s’inscrit après avoir dûment avisé d’éviter la récidive),
– Blâme écrit;
– Avis écrit;
– Blâme verbal (s’inscrit après avoir dûment avisé d’éviter la récidive),
– Blâme écrit;
– Suspension avec rémunération;
– Suspension sans rémunération;
– Congédiement.
Attention : la gradation des sanctions s’applique lorsque le même comportement déviant a été reproduit.
Cela dit, chaque comportement déviant génère, lorsque remis dans son contexte, une sanction appropriée et proportionnelle.
Expliquer la sanction en toute transparence
Cette dernière étape n’est pas essentielle. Expliquer au personnel les assises de la décision quant à la sanction proportionnelle n’est pas à prendre à la légère.
Partager la réflexion de l’employé en situation nouvelle, l’analyse du comportement déviant, de ses conséquences sur les parties prenantes et sur la confiance envers l’organisation s’avère une transparence mobilisatrice. La décision de donner une sanction ou non, le choix de la sanction, des mécanismes de prévention à mettre en place afin d’éviter la répétition d’un geste qui ne doit pas l’être et autres redditions de compte à l’ensemble du personnel rend l’éthique organisationnelle vivante.
Par l’exemplarité d’un tel partage, le personnel prend acte de la profondeur de l’analyse du comportement déviant, comprend ce qui est accepté ou non et constate que l’erreur est possible lorsque la bonne foi est relevée. Qu’il ne s’agit pas de paroles en l’air.
Cette transparence facilite l’adhésion aux attentes comportementales et à la responsabilisation volontaire de l’employé. Un congédiement s’explique tout comme le fait de ne pas sanctionner un comportement déviant : il est possible de choisir de bonifier le code de conduite afin d’éviter la répétition d’un même comportement inacceptable.
Enfin, les grandes balises à ne pas franchir, lors de ces explications, demeurent : de nombreux détails doivent rester confidentiels, notamment les renseignements personnels et sensibles participant à l’acte déviant ainsi que le respect de la personne dénoncée et l’anonymat du dénonciateur.
Sanctionner de manière éthique est tout à fait possible.
¹https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1906291/daniel-lafleur-casselman-rapport-enquete-ethique-mario-plante