Les notions d’éthique, d’intégrité sont de plus en plus présentes dans nos organisations. Lorsqu’on parle d’éthique, nous faisons malheureusement trop souvent référence au manque d’éthique de dirigeants, de fonctionnaires… Lorsqu’on parle de prévention en matière d’éthique, d’intégrité, nous avons tendance à l’associer injustement à des ajouts de normes, de règles et de procédures qui alourdissent les pratiques d’affaires.
Une étude d’Ethisphere Institute[1] démontre qu’au contraire, une culture organisationnelle intègre associée à une bonne gouvernance est créatrice de valeur pour les actionnaires.
Cela n’est pas rien. Quelle belle avancée, non ?
Le dernier rapport d’ Ethisphere Institute :The World Most Ethical Compagnies, qui donne suite à 12 ans d’analyse, confirme une importante hypothèse en investissement corporatif :
« Les entreprises qui embrassent la diversité de pensées, de personnes et de cultures; qui ont des politiques claires et simples fondées sur les valeurs et la confiance ; qui respectent et améliorent les collectivités dans lesquelles elles exercent leurs activités et qui promeut la transparence, présentent une performance financière qui dépasse largement les résultats de leur secteur de 14,4% sur 5 ans et 10,5% sur 3 ans. C’est ce qu’ils appellent La Prime Éthique.[2]»
Qu’est-ce qui caractérise les entreprises présentant cette « Prime Éthique » ?
Toujours selon Ethisphere Institute, les caractéristiques communes des entreprises les plus éthiques sont les suivantes:
Présence d’un véritable leadership éthique
- 90% des lauréats séparent les fonctions de président du conseil et de chef des opérations, mettant de l’avant une gouvernance indépendante.
- 28% des administrateurs de ces organisations sont des femmes. Ce qui est supérieur à tous les autres indicateurs à ce sujet et dépasse le seuil de 15% constaté dans divers secteurs par nombreuses autres recherches internationales.
De plus, 54% des entreprises lauréates possèdent un comité du conseil responsable du développement durable et/ou de la responsabilité sociale. Les développements sur ce front ont fait l’objet d’une importante étude publiée en janvier 2019 par Deloitte[3]. Selon David Cruickshank, Deloitte Global Chairman,
« Un changement dans la relation entre but et profit est en train de s’opérer : ces réalités n’ont plus à être des priorités contradictoires, au contraire, elles coexistent dans les stratégies d’affaires. »
Confiance envers ses employés
Le rapport d’Ethisphere est aussi encourageant quant aux « résultats qui démontrent que les entreprises œuvrent à gagner la confiance de leurs employés[4] » à la fois quant aux valeurs éthiques de ces derniers qu’à leurs pratiques. Dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre, un employeur qui fait confiance risque d’attirer et de conserver les meilleurs talents.
Engagement à long terme
Les entreprises lauréates ont notamment en commun qu’elles sont « axées sur l’engagement des employés. Elles examinent vraiment tous les aspects de la confiance des parties prenantes et essaient d’être aussi authentiques et transparentes que possible[5] » selon Mme Eric Salmon Byrne, Directrice exécutive de BELA.[6]
Formations internes à l’éthique
Mme Salmon Byrne indique que des formations à l’éthique diffusées aux gestionnaires caractérisent les entreprises lauréates. Les employés promus à des tels postes étaient excellents dans ce qu’ils faisaient et les organisations qui soutiennent ces derniers dans le développement des nouvelles habiletés requises dans un poste de gestionnaire font la différence sur le développement et le maintien d’une culture d’éthique organisationnelle.
Rétroactions sur les expériences vécues : transparence et apprentissages
91% des entreprises lauréates partagent avec leurs employés des histoires éthiques vécues. L’intérêt premier est lié à savoir « Comment faire passer le message à tous les niveaux de l’organisation en s’assurant que les gestionnaires soient parfaitement outillés pour faire face à de tels enjeux ? » Il importe de concrétiser le tout en disant « Oui, cela arrive vraiment ici, et voici comment, et voici ce qui s’est passé et comment le corriger. »
Selon Mme Salmon Byrne, « voilà le genre de choses novatrices que nous voyons dans les entreprises et qui ne se faisaient tout simplement pas il y a cinq ou dix ans. Et l’impact est énorme.[7] »
L’éthique organisationnelle : une responsabilité partagée
De tels résultats et analyses jettent une lumière des plus concrètes et encourageantes sur les avancées en éthique organisationnelle.
Les propos de M. Luc Bégin, Ph.D. et Professeur en éthique et philosophie pratique à l’Université Laval quant au design des organisations trouvent sens alors qu’il s’avère « pertinent de s’inspirer des conditions mises en place dans les contextes de confiance, de formation et d’apprentissage à la décision éthique. (…) En s’inspirant de certains mécanismes on pourra mettre en place des structures de conseil et de consultation favorisant l’expression des préoccupations d’ordre éthique, de la valorisation de discussions entre groupes de pairs sur les questions éthiques liées à des situations vécues, de façon à soutenir la sensibilité éthique, les capacités réflexives (…) où l’intégration de la prise en compte la dimension éthique dans les différentes étapes des processus décisionnels.[8] »
Il appert que « les employés ne sont plus seulement considérés comme des ressources, mais comme des sources de création de valeur.[9] »
Bref, les bénéfices de la prise en charge de l’éthique et de son développement au sein des entreprises se font de plus en plus sentir. Les organismes qui s’intéressent à l’éthique organisationnelle et ce qui la complète, tirent déjà des conclusions sur les meilleures pratiques à mettre en place.